Avec une hausse en juin, le nombre de demandeurs d’emploi a progressé de 4 % en un an. La France s’est installée dans le chômage de masse. Les syndicats demandent un changement de politique économique.
«Le chômage va baisser dans les semaines et les mois qui viennent ! » On se souvient de cette déclaration péremptoire du président de la République devant des millions de téléspectateurs au début 2010. Comme on se souviendra des communiqués triomphalistes de Xavier Bertrand, le ministre du Travail, début 2011. Avec les très mauvais chiffres du chômage du mois de juin, c’est la douche froide. Pôle emploi recense aujourd’hui 4 103 000 chômeurs inscrits, toutes catégories confondues, en augmentation de 4 % sur un an. Le mois dernier, le nombre des inscrits s’est accru de 0,6 %. Celui de la catégorie A, les chômeurs n’ayant pas du tout travaillé, a grimpé de 1,3 %. Ces hausses annulent la légère amélioration constatée depuis le début de l’année.
À quelques mois de l’élection présidentielle, ces chiffres posent évidemment problème dans le camp du pouvoir. La réponse de Xavier Bertrand à l’annonce de ces résultats, estimant qu’ils « imposent la mise en œuvre la plus rapide possible de la totalité des mesures concrètes adoptées par le Parlement début juillet », semble dérisoire : personne ne peut croire que des mesures favorisant l’apprentissage ou une réunion en septembre de tous les sous-préfets feront redémarrer l’emploi.
Une crise profonde de l’emploi
Côté syndical, on demande une réorientation de la politique économique. La CFDT réclame de revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires et propose de « renforcer les moyens de Pôle emploi ». Pour l’Unsa, il faut « une politique volontariste pour maintenir et créer des emplois autour d’un pacte de croissance ». La CGT, quant à elle, revendique « l’augmentation des salaires pour relancer l’économie », « une véritable politique industrielle » et « le renforcement des services publics ». Elle demande elle aussi au gouvernement de « renoncer à la loi Tepa qui défiscalise les heures supplémentaires ».
Car au-delà des fluctuations mensuelles, les chiffres de l’emploi traduisent une crise profonde, avec un chômage de masse installé. Ainsi, le nombre des personnes qui connaissent le chômage depuis un an et plus, les chômeurs de longue durée, a augmenté de 10 % par rapport à 2010. Ils représentent aujourd’hui, selon la CGT, 38 % du total des demandeurs d’emploi. Le chômage des seniors (plus de 50 ans) continue de grimper en flèche : 1,5 % au mois de juin, 14,3 % en un an. Qu’en sera-t-il quand les mesures de recul de l’âge de la retraite feront sentir leurs effets ? Le chômage des moins de 25 ans fait, lui aussi, un bond de 1,2 % en juin. Inquiétude supplémentaire pour la suite, les offres d’emploi collectées par Pôle emploi baissent de 4 % au mois de juin, preuve de la frilosité des entreprises à embaucher. Les offres d’emploi satisfaites baissent de 8,9 % dans le mois. Cela concerne aussi bien les offres d’emplois durables (– 2,2 %), les offres d’emplois temporaires (– 8,2 %) et les offres d’emplois occasionnels
(– 29,3 %). Ce chômage installé s’accompagne d’une montée de la précarité. En 2008, près de 70 % des embauches dans les entreprises de 10 salariés ou plus se faisaient sur un CDD plutôt qu’un CDI. Avec la crise, cette explosion de la précarité s’est largement confirmée. La CFDT note que « le premier CDI arrive désormais en moyenne à 27 ans ».
Qu’importe pour Xavier Bertrand, qui prétend toujours faire passer le chômage sous la barre des 9 % de la population active. Alors que le gouvernement s’apprête à consentir, sur demande du Fonds monétaire international, à de nouvelles mesures d’austérité et que les perspectives de croissance sont atones, on se demande bien comment il pourra tenir ce pari.
L’emploi demanderait un vrai débat
La situation critique de l’emploi en France sera, à n’en pas douter, au cœur des campagnes électorales de 2012. L’installation du chômage de masse est accablante pour la politique du gouvernement. Les petites postures électoralistes ne comptent pour rien au regard des enjeux posés pour le pays. Que penser à cet égard quand le ministre du Travail, au détour d’un entretien, refile la responsabilité du chômage aux départements (majoritairement de gauche) ? Que penser aussi quand Martine Aubry s’en tient à reprocher au gouvernement de « s’habituer
à ces chiffres » et lui demande juste de « s’occuper du chômage matin, midi et soir ». On attendrait du débat, entre les forces de gauche en particulier, une vraie confrontation sur la façon de relancer l’emploi. Quelle politique industrielle ? Comment relancer la consommation et la croissance ? Comment réorienter les profits vers l’investissement et l’emploi ? Que faire face aux délocalisations ? Comment agir contre la spéculation ?
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